Page 168 - Patriarches et Proph

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Chapitre 18 — La lutte nocturne
En quittant Paddan-Aram, Jacob avait obéi à un ordre divin.
Mais ce n’était pas sans de vives appréhensions qu’il repassait par
le chemin parcouru vingt ans auparavant. Sa faute envers son père
était constamment devant ses yeux. Il ne pouvait oublier que son
exil prolongé était la conséquence directe de son péché ; et cette
pensée, qui le poursuivait jour et nuit, avivée par les reproches de sa
conscience, jetait une ombre de mélancolie sur son voyage.
A la vue des collines de son pays, le cœur du patriarche se
serre douloureusement : tout le passé remonte à sa mémoire. A
mesure qu’il approche du terme, les sombres pressentiments qui le
hantent à la pensée d’Ésaü augmentent. La nouvelle de son retour,
pense-t-il, va réveiller chez son frère des sentiments de vengeance
auxquels s’ajoutera la crainte que Jacob ne vienne réclamer sa part
de l’héritage paternel, héritage dont Ésaü est, depuis son départ, le
seul bénéficiaire. S’il y est disposé, se dit Jacob, il est capable de me
faire beaucoup de mal.
Mais Dieu lui donne une preuve nouvelle de sa sollicitude. En
s’éloignant des montagnes de Galaad dans la direction du sud, il
aperçoit deux armées d’anges marchant avec lui, l’une comme avant-
garde, l’autre comme arrière-garde. A ce spectacle, qui lui rappelle
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sa vision de Béthel, Jacob tressaille de joie : les divins messagers qui
l’avaient réconforté lors de sa fuite sont maintenant les protecteurs
de sa rentrée dans son pays. Il s’écrie : “C’est ici le camp de Dieu !
... et il donne à ce lieu le nom de Mahanaïm”, les deux camps
Néanmoins, Jacob comprend qu’il a, de son côté, quelque chose
à faire pour assurer sa sécurité. Une mesure conciliatoire s’impose.
A cet effet, il envoie à Ésaü deux de ses hommes porteurs d’un
message dont il dicte les termes. Et, pour effacer de l’esprit de son
frère toute amertume pouvant résulter de la prédiction annonçant
que l’aîné des deux frères sera soumis au cadet, Jacob l’intitule
“mon seigneur Ésaü” et se nomme lui-même “ton serviteur Jacob”.
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Voir
Genèse 32
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