Page 162 - La Trag

Basic HTML Version

Chapiter 10 — Progrès de la Réforme en Allemagne
La disparition mystérieuse de Luther avait jeté toute l’Allemagne
dans la consternation. On se demandait ce qu’il était devenu. Les
rumeurs les plus extravagantes circulaient. Beaucoup croyaient qu’il
avait été assassiné. Il était pleuré, non seulement par ses partisans
déclarés, mais aussi par bien des gens qui n’avaient pas encore pris
position pour la Réforme. Et plusieurs juraient solennellement de
venger sa mort.
Les dignitaires de l’Eglise virent avec terreur à quel point l’opi-
nion publique leur était hostile. Après s’être réjouis de la mort
présumée de Luther, ils ne tardèrent pas à désirer se mettre à l’abri
de la colère du peuple. Les ennemis de Luther n’avaient pas été aussi
déconcertés par ses actes les plus retentissants qu’ils ne l’étaient par
sa disparition. Ceux qui, dans leur rage, avaient demandé le sang du
hardi réformateur, étaient épouvantés maintenant qu’il n’était plus
qu’un captif. “Le seul moyen qui nous reste pour sauver notre cause,
disait l’un d’eux, c’est d’allumer des torches, d’aller chercher Luther
[194]
dans le monde entier et de le rendre à la nation qui le réclame.”
L’édit impérial semblait frappé d’impuissance et les légats du pape
étaient indignés en constatant que cet édit retenait infiniment moins
l’attention que le sort de leur adversaire.
La nouvelle que Luther était en sécurité, quoique prisonnier,
calma les craintes populaires et enflamma l’enthousiasme en sa
faveur. On lut ses écrits avec plus de ferveur. Ceux qui épousaient la
cause du héros qui avait soutenu les droits de la Parole de Dieu dans
des circonstances aussi tragiques augmentaient de plus en plus. La
Réforme prenait de jour en jour des forces nouvelles. La semence
que Luther avait jetée fructifiait de toutes parts. Son absence faisait
ce que sa présence n’eût pu accomplir. En outre, ses collaborateurs
sentaient sur eux une plus grande responsabilité maintenant que leur
chef leur était enlevé. Animés d’une foi et d’une ardeur nouvelles,
ils redoublaient d’efforts pour que l’œuvre si noblement commencée
ne souffrît pas de retard.
158