Page 531 - Patriarches et Proph

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Chapitre 55 — Samuel enfant
Elkana, riche Lévite de la maison d’Éphraïm, était pieux et in-
tègre. Douce et modeste, Anne, son épouse, était également animée
d’une foi sereine et d’une piété fervente. Le privilège, si ardem-
ment convoité par tout Hébreu, de perpétuer son nom, leur avait été
refusé : leur intérieur, heureux pourtant, n’était pas égayé par des
voix enfantines. A l’exemple de beaucoup d’autres manquant de foi,
Elkana se décida à contracter un second mariage, qui fut loin de lui
porter bonheur. Des fils et des filles vinrent bientôt réjouir son foyer,
mais la beauté de l’institution divine avait été sacrifiée, et la paix
bannie de sa maison. Pennina, la seconde femme, jalouse et égoïste,
y apportait des manières orgueilleuses et des propos effrontés. Pour
Anne, la joie de vivre avait disparu, mais elle supportait son épreuve
avec une touchante résignation.
Fidèle aux ordonnances du Seigneur, Elkana se rendait chaque
année avec sa famille à Silo, aux grandes solennités, pour adorer et
offrir le sacrifice, bien que, par suite d’irrégularités dans l’adminis-
tration du sanctuaire, on n’y réclamât plus ses services. Mais ces
saintes assemblées, consacrées au service de Dieu, étaient troublées
par l’épouse acariâtre qui avait assombri sa vie. L’offrande d’ac-
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tions de grâces faite, toute la famille se réunissait, selon la coutume,
pour un festin qui devait être à la fois solennel et joyeux. A cette
occasion, Elkana donnait à Pennina comme à chacun de ses fils et à
chacune de ses filles sa portion du sacrifice. Plein d’égards envers
Anne, et voulant indiquer par là que son affection pour elle était la
même que si elle avait un fils, il lui offrait une portion double. La
deuxième épouse, alors, dévorée de jalousie, réclamait bruyamment
la préséance en vertu des faveurs que le ciel lui avait accordées.
Puis elle raillait Anne dont la stérilité était pour elle un signe de
la défaveur divine. Les mêmes scènes se répétaient chaque année.
Anne, finalement, ne pouvant plus les supporter ni cacher sa tristesse,
se mit à verser d’abondantes larmes et se retira de la fête. Son mari
chercha en vain à la consoler. “Anne, lui dit-il, pourquoi pleures-tu ?
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